Quatrieme samedi : Zawaca
- Tanatris
- 10 févr. 2019
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 févr. 2019

Le prêtre était accoudé à l’angle le plus sombre du comptoir, capuche sur la tête. Shaw s'installa à coté. Sans regarder le prêtre, il dit :
« Nous voulons la même chose Baron, comprendre de qui tout ceci est l’œuvre, et te ramener chez toi. »
Les yeux toujours perdus dans le vague, son voisin répondit :
« Je t'ai toujours dit qu'un bon esprit aiguisé, valait toujours mieux que mille dagues affûtées.
__ Suis moi Bwonsamdi, ne faisons pas de vagues, allons en discuter dehors, je n’ai nullement l’intention d’utiliser ma dague contre un prêtre.
Le prêtre se leva doucement et se dirigea vers la sortie, suivi de près par l'assassin.
Ils contournèrent la taverne pour se retrouver dans une petite cour, à l'abri des regards indiscrets.
Plongeant la main dans sa soutane, le prêtre en sortit une dague dont la lame était si luisante, que la lune s’y reflétait :
« Et bien moi, j’ai l’intention d’utiliser la mienne ! »
Et il se plongea sans hésiter, la lame dans le ventre.
Shaw blêmit, :
« Non !!!! » Cria -t il ; il retira l'arme qui était enfoncée dans le ventre du prêtre. Celui-ci avait posé une main à l’endroit de la blessure. Il chancela :
« A l'aide ! Au meurtre ! Et s’agrippant au mur, il tenta de rejoindre l’artère principale.
Alertés par les cris, une troupe de gardes royaux ne tarda pas à faire irruption et empêchèrent le prêtre de s'écrouler. Shaw, la dague encore ensanglantée à la main, se vit encerclé et malmené ; l’un des gardes lui asséna un violent coup de batte, et se saisit de l’arme que tenait l’espion.
« Sale ivrogne de Shaw, assassin ! Poignarder Frère Pike ! N'as tu pas honte ! ? Un prêtre qui a sauvé plus de vies que tu n’en volerais, en vivant dix fois ! Cette fois, tu n'échapperas pas à la potence ! Tes soutiens corrompus à la Cour d’ Hurlevent ne pourront plus rien pour toi, au cachot ! «
Frère Pike qui se voyait prodiguer les premiers soins au sol par un soigneur, leva une main hésitante :
« Attendez, - murmura-t-il - je voudrais lui donner ma prière de pardon. Les infirmiers relevèrent le blessé, pendant que les gardes tenaient en respect l'assassin :
« Tu vois, chien, le saint esprit qui habite cet homme? » persifla un des gardes.
Approchant son visage de celui du prisonnier fermement maintenu par les cheveux, le frère lui chuchota à l'oreille : « Un bon esprit aiguisé vaudra toujours mieux que mille dagues affûtées, surtout quand c'est lui qui tient la dague... Bon samedi mon frère. » Et le cortège de gardes, fendant la foule de badauds qui s’était attroupé, prit la direction de la prison de Boralus.
L'infirmier prévint le prêtre :
« Ce bandage est provisoire mon frère, il te faudra du repos, des soins par des docteurs, et des remèdes adaptés,
__ Je dois voyager mon fils, dès ce soir. Je dois me rendre sur le vieux continent, aux Palluns. Tu as vu suffisamment de blessures pour savoir que mon temps est compté, et, ajouta-t-il la main posée sur le bandage, pas seulement à cause de ça.
Semblant en proie au dilemme, l'infirmier se résolut,
__ J’ai officié autrefois comme infirmier à bord du Théramore, c’est un navire qui ne transporte que des marchandises, mais le capitaine est un ami, il ne refusera pas de t’y conduire ; il part incessamment et tu seras, - si la mère des marées est avec nous,- à la fin du jour demain, à Hurlevent. Promets-moi que tu iras t’y faire soigner, à peine débarqué ?
__ Promis mon enfant.», répondit dans un sourire qui se voulait rassurant, le prêtre. L’infirmier conduit Frère Pike à bord du Théramore. Comme prévu, le capitaine accepta ce passager impromptu, lui réservant même une place dans sa cabine.
Après une dernière accolade, l’infirmier glissa une petite bourse dans la poche de la cape du frère : « Pour les pestiférés. »
La fièvre ne quitta pas le prêtre tout le temps du trajet, comme le second du capitaine qui resta à son chevet à tenter de le soulager du mieux qu'il pouvait. La traversée fut éprouvante pour le blessé en proie à de violentes hallucinations, son sommeil était agité et bruyant, les mers déchainées n'aidaient pas à son état.
" C’est folie de l'avoir fait voyager dans cet état, pensa le second, il ne passera jamais la nuit. "
Et pourtant le lendemain, bien mal en point, mais vivant, Frère Pike mit pied à terre sur le vieux continent. Devant lui se dressait Hurlevent, belle et fière parée de ses lampions de fêtes, les célébrations des fêtes lunaires battant leur plein.
Il fit quelques pas sur le ponton, le capitaine du Theramore lui avait indiqué la barge dans laquelle il embarquerait, plus personne n'allait aux Palluns, à part l’homme qu’il attendait.
Le capitaine donna une longue accolade au prêtre qui avait la pâleur de ceux dont les heures sont comptées. Il lui remit une petite bourse de pièces d'or dans la main. :
« Voici mon père, pour les pestiférés que vous allez visiter, il n'y a plus guère que les religieux pour se soucier de ces oubliés, Koltar ne tardera pas, il est solide comme tous les gens de mer, hein !? Il vous emmènera à bon port, si on peut dire s'agissant de Menethil ... Et que la mère des marées vous protège ! »
Resté seul, le prêtre en proie à de violents maux de tête et à des visions qu'il savait être celles d’un autre, ne vit pas s'approcher un solide kul 'tiran avec un sourire aussi large que ses épaules :
« Frère Pike n'est ce pas ? Je suis Koltar, c'est moi qui suis chargé de vous conduire aux Palluns, ces marins d'eau douce de Hurlevent ne s'y aventurant plus ! » prononça le marin dans un sourire. Il aida le prêtre à se hisser sur la barge amarrée juste devant eux. Sous les vigoureux coups de rames de Koltar , l’embarcation s’éloigna rapidement dans la nuit.
Assis entre deux caisses de médicaments, le prêtre tentait d’échapper aux murmures de plus en plus lancinants, il n’écoutait pas Koltar qui continuait pourtant :
« Depuis le cataclysme, les Palluns sont sous les eaux, et les voies navigables sont très dangereuses car on y trouve de tout : maisons englouties, épaves de grands vaisseaux , des rats de la taille des raptors de Strangleronce, et.... baissant la voix tous les lépreux, les pestiférés, les sorcières fuyant le bûcher, d'Azéroth. Je suis le seul à y aller une fois par semaine, je dépose un stock de médicaments à l'entrée de l'ancien port des Menethil et je me taille. Je ne sais même pas d’où ils arrivent, ni ou ils repartent je ne demande pas mon reste ha ! ha. On raconte que derrière des ronces géantes tout un peuple de pestiférés subsiste grâce aux sortilèges de sorcières . Bon moi j’y crois moyen - continua dans un monologue qui ne semblait pas le déranger- le marin, car j’ai oublié de vous préciser que les marécages étaient infestés de crocodiles gros comme deux hippopotames de Sholazar . »
Ni les roulis de la mer, ni l'inconfort causé par les caisses, ne semblaient atteindre le prêtre qui avait l’air ailleurs.
Après 1 h de navigation, la barge pénétra dans les terres des Palluns, offrant un visage hostile d'enchainement de marécages peuplés de crocodiles, de murlocs, et autres créatures qui profilaient sans prédateurs pour les inquiéter.
Alors qu’ils atteignaient la hauteur d'un vieux ponton au bois pourri, le frère sortant de sa torpeur s’agita :
« Ici ! Laissez moi ici ! Koltar cessa de pagayer surpris,
__ Ici ? Au milieu de nulle part, mais savez vous où vous vous rendez ? Accompagnez-moi à l’ancien Port de Menethil ….
__ Ici je vous dit ! , le coupa Frère Pike sur un ton qui ne laissait aucun doute sur sa détermination. Koltar, s’exécuta - il ne voulait pas contrarier un mourant - et aida le frère à descendre :
« Vous êtes sûr mon frère ? Il me reste moins de 2 heures avant la marée haute, et je ne pourrai plus naviguer, l'eau recouvrira tous les obstacles, ce serait trop dangereux. Vous avez donc 1 h pour faire ce que vous avez à faire, nous nous rejoindrons ici, mais si je ne vous voie pas, je n’attendrai pas…»
__C'est mon dernier devoir, je serai là dans 1 h.
__Faites attention à vous mon frère ! » La barge s'éloigna.
Instinctivement, le prêtre su quelle direction il devait prendre, et parmi les arbres morts, et les ronces, il se fraya un chemin jusqu’à une vieille bicoque qui semblait tenir par miracle.
Un homme grand et bossu assis sur un chaise en osier se leva à la vue du prêtre qu’il semblait guetter et le fit entrer dans la maisonnée.
L'intérieur de la maison était aussi pourri que l'extérieur. Frère Pike monta l'escalier qui lui faisait face. Assises au bord d’un lit, deux femmes, l'une plus âgée que l’autre , emmitouflées dans des voiles qui cachaient leur visage. Les marques sur la peau de leurs mains, trahissaient une maladie au stade bien avancé. Sur le lit un enfant à la peau fine, presque translucide, le cheveu fin et blond. Un infime souffle semblait le séparer de la mort, peut-être était-ce un adolescent au bord de l'âge adulte, mais son apparence chétive faisait difficilement apparaitre son âge.
« Je suppose que tu m’as fait venir parce que tu veux que je sauve ton enfant ? demanda le prêtre
__ Ce n'est pas mon fils même si je l'ai aimé comme tel, répondit la dame la plus âgée, et oui, c’est moi qui t’ait appelé…
__ Tu connais mon prix vieille dame . » Le bossu avait rejoint les deux femmes et s'était assis près d'elles, leurs ombres vacillaient sur le mur à la lueur de la faible bougie qui éclairait la pièce.
Le frère souleva les couvertures usées qui recouvraient l’enfant, découvrant des jambes malingres, qu'une gangrène commençait à dévorer. Dans un réflexe, celui-ci ouvrit les yeux, laissant apercevoir un regard bleu dont la détermination tranchait avec ses traits éthérés et la fatale résignation de ses 3 compagnons d'infortune. Cet enfant voulait vivre. Comme en écho à la pensée du prêtre, la vieille dame précisa :
« il doit vivre. Emmène le, soigne le, mais surtout cache-le ! Ils ne doivent pas le retrouver…, une quinte de toux l'interrompit.
__ Et si tu m disais quel est son nom ?» demanda le prêtre.
N'obtenant pour toute réponse qu'un silence, le prêtre enchéri :
« Ce n'est pas grave, ce que ne veulent pas me dire les vivants, me le disent les morts.» Hochant la tête, à l’oreille d’un invisible informateur, le prêtre acquiesça attentivement.
« Bien. Les présentations étant faites, j'accepte ton marché vieille dame ! Faites vos adieux, les minutes nous sont comptée,s à tous ! »
Après un dernier baiser sur la main de l'enfant, les 3 silhouettes se rassirent le visage plus serein, malgré le funeste destin auquel elles venaient de se vouer.
Le prêtre souleva le chétif corps de l'enfant et le hissa sur son dos, sans faire montre de la moindre douleur ; sa blessure se mit à saigner abondement. Il souffla sur la bougie et descendit les marches grinçantes. Lorsqu'il rejoignit le sentier qui le menait à l'embarcadère, toute vie avait non seulement quittée la bicoque, mais tout le village entier... Tout autour de lui, des crocodiles attirés par l’odeur du sang rodaient gueule béante
Koltar essayait avec difficulté, d'approcher le plus près possible du ponton :
« Dépêchez-vous mon frère ! Hurla- t-il , les eaux ont montées plus vite que prévu, je ne peux plus guère manœuvrer plus près ! »
Frère Pike pénétra dans l'eau, sans attendre que la barge s'approchât plus. Visiblement à bout de force, il puisait là dans ses dernières énergies. Koltar se pencha par-dessus bord, pour attraper l'enfant que le père portait :
« Tenez bon mon frère ! J'arrive. » Le temps de déposer le jeune homme le plus en sécurité qu'il put, Koltar se retourna ; l’eau était montée jusque la poitrine du frère qui tendait des bourses d’argent qu’il lança par- dessus bord :
« Emmenez-le, soignez-le, cachez le. Au sanctuaire des tempêtes à la vallée de Chantorage en Kul’tiras, ils sauront où le cacher. Et surtout n’en dites rien a personne. »
Koltar essaya d'attraper la main du frère celui -ci la retira :
« Considérez ceci comme la supplique d’un mort » , et il s'affaissa dans l'eau.
Comme poussée par le dernier souffle de Frère Pike, la barge s'éloigna rapidement de ses rivages hostiles, pour prendre le large.
Affairée à danser autour du Loa Zawaca n'avait pas remarquée le changement sur son visage. Jusqu'ici hagards, ses yeux prirent cet air que les vivants qualifient de malsain - car incapables de donner un nom à ce qui anime un non vivant.
« Hmm tu es nouvelle ma jolie, viens détacher ton Baron qu'il te fasse passer ton entretien d'embauche . » Au son de cette voix gutturale, Zawaca sursauta et interrompit son ballet muet :
« Le Bawon ! Il est revenu ! le Bawon est là ! », réussit -elle à articuler.
Straellice se précipita pour détacher le loa que des cordes enroulées autour du torse, retenaient à son fauteuil.
« Pardon mon Baron, on avait peur que la chose qui s'était emparée de toi ne t'éloigne ou ne te fasse de mal.
__ T'en fais pas mon p’tit Straellice, j'ai juste très très soif, j’ai vu la mort de près ha ! ha ! Que ces vivants sont d'en ennui mortel ! Alors imaginez- moi dans la peau d'un curé !»
Bwonsamdi avala d'une traite la bouteille que lui avait apportée Straellice.
Zawaca sous l'effet de la feuillerêve qui aboli les frontières entre le monde des vivants et le monde des esprits, s'était lancée dans une danse en transe. Bwonsamdi sourit :
« On ferait un beau couple, toi sous l'effet de tes plantes, moi sous l'effet de mon rhum, même si t'es un peu plate ma petite limande.
Captivant les regards de tous ceux présents dans le cimetière, Bwonsamdi lança :
« La prochaine fois, j’aimerai qu’on me transpose dans une naine, une naine bien grassouillette ! Et alors là, je me ferai.... » Joignant le geste à la parole, le Baron se lança dans une séries d’obscènes pantomimes, ce qui fit rire toute l'assistance.
« J'en ai entendu des esprits mais des goujats comme celui-là, jamais ! Gran- ma m'avait pourtant prévenue, ça m'apprendra à vouloir aider ! Bwonsamdi est retourné dans son corps décrépit, je m’en vais ! »
Zawaca ramassa les gris -gris qu'elle avait déposé au sol et s'offusqua « Et faites- moi penser à ma mort, de demander à ce qu'on me coupe les oreilles, hors de question que je passe mon éternité à écouter des dégueulasseries pareilles. »
__ Noooon !!!! Ma limande préférée ! Reviens ! s'amusa Bwonsamdi
Zawaca s'éloigna en titubant « Et tu n'aura plus une offrande de moi, foi de Zawa ! »
Bwonsamdi interpella la mage devant lui :
« mon petit brasera, allume le gros cigare de ton Baron tu veux bien. » Straellice, s'assit près du loa :
__ Doit-on se préparer à quelque chose ?
La mage feu claqua des doigts faisant jaillir une étincelle qui embrasa le cigare de Bwonsamdi. Il en tira une grosse bouffée, son visage se fit plus grave.
__ Tout va bien mon petit Straellice, on a invoqué le Baron pour lui demander quelque chose, et il a conclu un marché.
J'ai pris les vies du frère Pike et celles de tout un village.
C'était mon prix, pour sauver celle du fils d'un Roi.

MDR le coup de la naine m'a tuée